La revue trimestrielle Terre de Durbuy n° 134, décembre 2015 a publié la première partie d’un texte consacré aux deux grottes de La Préalle, à Heyd, commune de Durbuy (province du Luxembourg) et intitulé « Contribution à l’étude du site de Préalle à Heyd ». La deuxième partie sortira bientôt de presse. L’ensemble est écrit par Jean-Pierre Gonay, un historien amateur originaire de Barvaux. Après une présentation du vallon du ruisseau de Tour et un zeste d’étymologie, ce long texte aborde successivement la grotte de La Préalle I, un des rares sites des derniers chasseurs cueilleurs de la fin du paléolithqiue (Ahrensbourgien) de Belgique, puis La Préalle II et sa sépulture néolithique.
Les deux grottes de La Préalle se trouvent dans un petit affluent de la vallée de l’Aisne, au milieu du célèbre champ mégalithique de Wéris, avec au sud les deux allées couvertes et divers sites à menhir et au nord le menhir d’Ozo.
L’intérêt de la grotte de La Préalle II est double. En premier lieu, il s’agit d’un des rares sites sépulcraux du néolithique régional à avoir livré un matériel archéologique relativement abondant alors qu’en général, la plupart des sépultures ne contenaient que peu ou pas d’objets lithiques, céramiques et osseux associés aux ossements humains.
En second lieu, la situation même de La Préalle II par rapport au champ mégalithique est aussi d’un grand intérêt. En effet, de nombreuses sépultures ont été établies dans les cavités karstiques « entourant » le champ mégalithique, parfois même, comme à La Préalle II, dans un vallon qui sépare la dispersion des menhirs et dolmens en deux plateaux, celui de Wéris-Morville au sud et celui d’Ozo au nord. Or les datations radiocarbone des ossements humains des deux allées couvertes de Wéris et celles des sépultures collectives karstiques voisines s’intègrent harmonieusement, de 3300 à 2500 avant notre ère, en dates calibrées. La typologie des armatures en silex exhumées dans les deux allées couvertes et dans la grotte sépulcrale voisine de La Préalle est assez similaire. Il y a donc à Wéris homogénéité spatiale, chronologique et archéologique des deux types de sépultures présentes.
Peut-être peut-on cependant envisager des ruptures d’un autre ordre, correspondant notamment à des divisions sociales ainsi qu’à une gestion de l’espace ? Le fait que les sépultures mégalithes ne suffisent pas à l’inhumation de populations entières pendant des générations peut ainsi faire penser qu’elles auraient pu être réservées à une certaine « élite » et les sépultures plurielles en abris naturels qui abondent aux abords au reste de la population. La disposition même des deux sortes de sépultures reflète peut-être symboliquement cette idée, avec les sépultures plurielles sur les flancs des vallées et les allées couvertes sur les hauteurs voisines. L’absence de sites d’habitat dans l’emprise du champ mégalithique et, en revanche, l’existence de tels sites en dehors, non fouillés mais matérialisés par des découvertes de surface, plaide également en faveur de la nature particulière de la zone mégalithique, donc des personnes qui y furent peut-être inhumées. Cette situation traduit également des limites zonales dans le territoire, à savoir une forme de gestion spatiale.