Mis à jour le 17.10.2016
L'allée couverte pendant son dégagement en 1996.
La collinne de Rubiémont durant les fouilles 1996.
Le monument mégalithique de Lamsoul a été édifié au pied du flanc méridional de la colline de Rubiémont qui domine la rive gauche de la Lomme, à Jemelle, commune de Rochefort (province de Namur). Il a été repéré en 1971 par W. Lassance, puis exploré une première fois en 1976 et 1977 par un cercle d’amateurs local. Pour tenter de répondre à toutes les questions qui subsistaient encore, la Direction de l’Archéologie du Ministère de la Région wallonne, la Section de Préhistoire de l’Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique et l’Association wallonne d’Etudes mégalithiques (AWEM) ont procédé à de nouvelles fouilles au cours de l’hiver 1995-1996 puis en 2005. Il s’agissait de préciser les techniques de construction du mégalithe, les détails de son architecture, sa datation, son mode d’utilisation, son environnement et l’origine des roches qui le composent.
Fouilles de l'hiver 1995-1996.
Fouilles de l'été 2005.
L’allée couverte est implantée sous le niveau du sol, dans une large tranchée de fondation creusée selon la ligne de déclivité du terrain environnant. Cette tranchée entame le sol meuble mais aussi, par endroits, le substrat schisteux. Du côté gauche de la chambre, cette tranchée, repérée en 1995, se caractérise par un creusement situé à environ 1 m du bord externe de l’orthostate III et atteignant quelque 70 cm de profondeur pour une pente moyenne de 65°. Les coupes obtenues en 2005 sur les parois longitudinales droites du monument montrent cependant une plus grande largeur et un aspect plus complexe.
A l'avant, la dalle I ; A gauche, les orthostates III et IV.
Fragments de charbon de bois.
Le sédiment qui remplit cette tranchée d’implantation est un limon argileux plus ou moins riche en fragments de siltite issus du substrat rocheux local ; il est proche du sédiment géologiquement en place observé en dehors du monument, mais s’en distingue cependant à la fouille. D’abord, des fragments de charbon de bois s’y égrènent en nombre. Ensuite, des blocs géologiquement allochtones sont aussi présents dans la tranchée d’implantation, leur nombre augmentant considérablement lorsqu’on se rapproche du monument. En outre, de curieuses lentilles simples et en forme de dômes, ou de V inversé, de 70 à 80 cm de diamètre pour une épaisseur d’une dizaine de centimètres, ont été observées dans le remplissage. Elles pourraient correspondre aux traces de vidanges
de hottes ou de mannes lors du comblement au Néolithique.
À l’époque de la construction de l’allée couverte, le paysage avoisinant était encore assez largement boisé, comme l’indique l’étude des pollens. La partie arrière de l’édifice a été recouverte par un tumulus.
Vue en plan de l'allée couverte.
Le mégalithe est en partie détruit, surtout sa zone d’entrée. Son noyau central se compose de neuf grosses dalles de calcaire qui forment une chambre rectangulaire orientée approximativement du nord-ouest au sud-est ; seules cinq d’entre elles sont encore en place, les quatre autres ayant basculé. Dans son état de conservation moderne, l’édifice a environ 5,10 m de longueur externe, près de 2,50 m de largeur externe et de 1,20 m à 1,60 m de largeur interne selon les endroits. Deux piliers (III et VII) sont encore dressés sur le côté gauche de la chambre, bien en place. Les deux orthostates droits correspondants (V et VIII) sont couchés à l’intérieur de la structure. Ils ont été abattus au cours des Temps modernes comme en atteste la datation au C14 d’un petit foyer disposé sous l’un d’eux. Le chevet se compose de deux piliers convergents formant un V bien ouvert (IX et XII) et de la seule dalle de couverture encore in situ.
Rainure longitudinale sous le bloc V.
Diverses structures ont été repérées sous la base des piliers. Par endroits, les bâtisseurs ont creusé d’étroites rainures longitudinales dans le fond schisteux de la tranchée d’implantation. C’est le cas sous le bloc V. La rainure y mesure 80 cm de long et une trentaine de centimètres de largeur pour une profondeur maximale d’une quinzaine de centimètres. Elle est quasi parallèle à l’axe formé par les deux piliers III et VII qui délimitent le côté gauche de la chambre, et se situe dans le prolongement presque exact du pilier IX formant le côté droit du chevet. Du côté gauche de la chambre, une telle rainure semble apparaître dans l’intervalle entre les piliers III et VII. Un autre dispositif s’observe sous le bloc VIII, effondré dans la chambre près du chevet. La base du bloc est simplement adossée, du côté extérieur, à la paroi latérale, très abrupte, d’un petit surcreusement de la tranchée de fondation. Une fois dressés, les orthostates ont été contrebutés par des pierres de calage et surtout par de larges amas de blocs déversés dans la tranchée d’implantation, sur les deux côtés extérieurs et à l’arrière du monument. Les interstices entre les piliers (III et VII à gauche ; V et VIII à droite) ont été comblés par des petits murets de pierres sèches comme il s’en trouve à l’allée couverte de Wéris II. Entre les piliers XII et VII, ces muretins sont renforcés par une petite dalle de calcaire (X). Les quelques plaquettes de grès disposées horizontalement sur le sol du chevet pourraient indiquer qu’un dallage recouvrait, au moins en partie, ce secteur. La zone d’entrée du monument est détruite ; on ne saura donc jamais avec certitude s’il y avait une antichambre et une ouverture en demi-hublot comme aux allées couvertes de Wéris.
Contreforts en blocs entre les piliers III et VII.
La stratigraphie de la chambre n’a pu être relevée que lors des premières explorations. Selon les premiers fouilleurs, elle comprenait trois couches de haut en bas : La première, d’une épaisseur moyenne de 40 cm est constituée d’une argile compacte brun clair avec quelques grès épars, des scories de fer et des déchets récents. La deuxième, d’une épaisseur maximale de 40 cm constituait un remplissage grossier de scories, de grès et de calcaire sous la dalle de couverture XI. La dernière, d’une épaisseur variant entre 20 et 110 cm était constituée d’une argile plus brune que celle de la couche a, argile semée de quelques traces de charbon de bois. Le sol en place est formé d’argile très compacte et de schiste.
Devant le mégalithe s’étale un empierrement grossier, allongé perpendiculairement à l’axe de la chambre et fait de blocs et de dallettes irrégulières de petites dimensions. S’agit-il d’une terrasse aménagée aux abords de l’entrée ou de rejets liés à la vidange de la chambre ? La première hypothèse pourrait s’imposer, et ce dans la mesure où les dimensions et la forme des pierres composant cette terrasse ne correspondent pas à celles des contreforts comblant la tranchée de fondation à l’extérieur des orthostates ; de même, la quantité de pierres découverte dans cet empierrement est trop importante par rapport à ce qu’aurait livré la seule vidange de la chambre.
L'empierrement situé devant la chambre sépulcrale.
Les dalles composant le mégalithe sont toutes en calcaire givétien. Le substrat géologique sous le monument se compose par contre de schiste. La construction du monument a donc impliqué le déplacement de blocs pesant souvent plusieurs tonnes sur une distance au moins égale à celle qui sépare Lamsoul des affleurements calcaires les plus proches, soit au minimum 650 m et peut-être près de 2 km, avec franchissement de dénivellations de quelques dizaines de mètres. Les nombreux petits blocs remplissant la tranchée d’implantation et composant l’empierrement situé devant le monument sont également d’origine sublocale ; ils peuvent être répartis en 31 classes lithologiques distinctes, toutes disponibles dans un rayon de quelques kilomètres.
Les documents archéologiques et anthropologiques sont peu nombreux. Le lot découvert en 1976-1977 est dispersé en profondeur et en superficie, tant dans la chambre qu’à l’extérieur. Il se compose de cinq éclats en silex, dont un provient d’un outil poli, de rares tessons de poterie qui pourraient relever de la fin du Néolithique ainsi que de divers ossements humains dont un fragment de calotte crânienne. Il y a aussi de rares documents apparemment romains et un tesson peut-être protohistorique, qui pourraient témoigner de fréquentations du monument après son abandon par les mégalitheurs
.
Pointe de flèche à pédoncule et ailerons.
Le matériel recueilli en 1995-1996 comprend une belle pointe de flèche à pédoncule, de type néolithique final, et un petit lot d’une vingtaine de dents et ossements humains. La majeure partie de ces derniers était bien en place, dans le fond de la chambre ; ils furent essentiellement mis au jour sous les piliers couchés et à la base du remplissage. Les seules pièces à peu près intactes sont deux calcanéus, un talus et une phalange. Il y a également quelques fragments crâniens, un morceau de maxillaire juvénile, la région symphysaire d’une mandibule et des fragments de corps de fémurs, d’un tibia et d’une fibula. En raison des remaniements subis par les sédiments de la chambre, il n’est guère possible d’aborder en détail le domaine des pratiques funéraires et de dresser une chronologie fine des inhumations. Tout au plus peut-on attribuer les restes humains découverts à plusieurs défunts dont au moins un enfant. Le monument était donc bien une sépulture plurielle sans cependant pouvoir préciser si elle était collective (c’est-à-dire avec introduction successive de cadavres au fil des décès) ou multiple (fonctionnement sépulcral quasi simultané).
Deux échantillons osseux humains trouvés lors des fouilles de 1995 et 1996 ont été datés au C14 par AMS à l’université d’Oxford :
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